STUPEUR ET BEAUTE


Aller au contenu

Menu principal:


L'AGRESSION

Février 1993

Mon père se rendait chaque jour chez le kiné pour une rééducation qui faisait suite à une fracture accidentelle de la rotule. Ce matin-là, avant leur départ de la maison, elle lui demanda s’il n’avait rien à lui dire… Il répondit laconiquement : « rien ». ce jour-là – 9 février – était le jour de son anniversaire… Maman l’accompagna pourtant ce matin-là comme les matins précédents. Peu après sa vie basculait…A quelques centaines de mètres de notre domicile, dans une rue tranquille du 17-ème arrondissement de paris, un motard surgit de nulle part sur une belle et puissante moto, face au couple que formaient mes parents. Un casque intégral dissimulait son visage – intégralement…Il monta sur le trottoir, ralentit lorsqu’il fut à la hauteur de mes parents et s’empara brutalement du sac à main de maman. Il accéléra alors subitement en mettant sa moto à la verticale. Maman fut soulevée du sol puis elle retomba lourdement sur l’asphalte du trottoir quelques mètres plus loin – inconsciente.A l’hôpital le plus proches où les pompiers la transportèrent on ne décela rien autre qu’une luxation de l’épaule gauche.Celle-ci fut remboîtée et immobilisée par un bandage de type dujarrier. Le traumatisme psychologique fut telle qu’il nécessita une hospitalisation de quinze jours.
Vingt-et-un jours après l’immobilisation de l’épaule, le bras enfin délivré était comme mort – à la stupéfaction du chirurgien. Les séances quotidiennes de rééducation étaient extrêmement pénibles à supporter. Maman ne pouvait absolument pas décoller le bras du corps malgré les excellents soins de kinésithérapie prodigués. En septembre un examen plus pointu fut enfin pratiqué. L’IRM indiquait une rupture massive de la coiffe des rotateurs. Devant les clichés de l’imagerie le chirurgien resta dubitatif – trop de dégâts. Il se déroba en arguant du fait que cela pourrait être pire après une opération…
Les séances de rééducation reprirent. Le bras gauche demeurait rivé au corps. Le moral de maman était au plus bas. « Chacun a le droit d’être injuste quand Dieu lui a envoyé le malheur » (Szczypiorski). Ma mère, elle aussi, devenait injuste envers ce Dieu dont elle mettait en doute l’existence même. Elle Le bafouait, Le raillait, Le défiait… Elle souffrait…
En novembre le Docteur Luc M. nous donna les coordonnées d’un chirurgien – spécialiste de l’épaule. Nous prîmes rendez-vous avec ce jeune docteur qui exerçait à la Clinique des Lilas, près de Paris.Au vu des résultats d'un arthroscanner, il décida d'opérer. L'intervention fut pratiquée le 16 décembre 1993. Avant de sombrer dans le lourd sommeil artificiel provoqué par l'anesthésie, elle aperçut une voûte bleu ciel. Apaisée par cette belle vision, elle s'endormit - confiante. L'opération constituait pour elle une délivrance d'où l'extrême bonheur ressenti - telle était l'explication du chirurgien. Le bloc était - parait-il - peint en bleu... Quant à la vision de la voûte, peut-être était-elle due à une altération visuelle provoquée par les anesthésiants, ou alors...Au chevet de maman le chirurgien expliqua qu'il avait fait de son mieux. Malheureusement, les tendons s'étaient rétractés et les dégâts étaient beaucoup plus conséquents que ne l'avait laissé présager l'arthroscanner...




Le compte-rendu opératoire mentionnait : "rupture des sus et sous-épineux gauches – acromioplastie, arthrolyse antéro-supérieure. Plastie de la coiffe au long biceps". Le bras fut à nouveau immobilisé pendant quarante-cinq jours par une attelle coude au corps. Des séances de rééducation furent à nouveau prescrites. Elles allaient se poursuivre pendant plus de six mois. La douleur était constante, les progrès insignifiants. Maman se trouvait dans un état de totale dépendance. Elle songeait très souvent au suicide, à la mort - "cette espèce de guérison de la vie lorsque celle-ci n'est plus que synonyme de souffrance".

L'improbable rencontre

Un jour, alors qu'elle se trouvait dans l'autobus, une dame lui proposa complaisamment de s'asseoir auprès d'elle. Cette personne ajouta obligeamment : "c'est à cause de votre bras". Maman lui raconta qu'elle avait perdu l'usage de son bras gauche à la suite d'une agression avec violence sur la voie publique. Elle lui expliqua avec une certaine amertume que deux chirurgiens avaient successivement refusé de l'opérer à cause de la gravité des lésions. L'opération qu'elle avait finalement subie neuf mois plus tard n'avait apporté aucune amélioration tangible. Cettedame lui conseilla de ne plus penser au passé. Elle lui assura qu'elle était désormais en bonnes mains et que dans trois ans elle aurait retrouvé une mobilité totale. Maman était si visiblement perplexe, qu'elle ajouta : "vous pouvez me croire, je suis voyante". Désabusée, maman laissa tomber ces mots : " dans ce cas, ce sera un miracle..." La personne acquiesça et dit : "oui madame, un miracle". Elle descendit de l'autobus et se fondit dans la foule.
Lorsque maman nous raconta cette étrange rencontre, personne n'y attacha la moindre importance. On s'en gaussa même ouvertement. Pour moi seule cette rencontre constituait un signe, un encouragement à ne pas désespérer...Dans son livre " Le Sourire de l'Ange" Jeanne Bourin écrit que "nos ancêtres du 11-ème siècle, reprenant une tradition qui datait du temps des premiers chrétiens, avaient rétabli un huitième péché capital : le péché de désespérance! Ils pensaient que dans un monde sauvé, l'homme n'a pas le droit de se laisser aller au désespoir ".
La personne que maman avait rencontrée tombait à point nommé pour la sauver de cette funeste mais si humaine désespérance. Mon hypothèse d'une rencontre à caractère providentiel ne fit pas l'unanimité... Les uns ne la considérant que comme une extravagance, les autres regrettant que maman n'ai pas eu le présence d'esprit de relever les coordonnées d'une si curieuse voyante. Le chirurgien qui revit maman un an après son opération ne fit aucun commentaire. Il constatait simplement que le bras n'avait aucune mobilité, aucune force au serrage. Tout cela lui paraissait normal. Il ne
POUVAIT PAS en être autrement. "Je sais ce que j'ai mis dans votre épaule "dit-il à maman sur un ton professoral. Dont acte! Sur le certificat qu'il établit, suite à cette consultation, figure la phrase suivante : « il y a lieu d'envisager chez cette patiente une incapacité partielle permanente".Quant au Docteur Luc M., il conseilla à maman d'accorder plus de crédit au chirurgien qu'à la voyante !
Chaque année maman passait un examen de contrôle à la Clinique des Lilas. Le chirurgien constatait de petits progrès qu'il considérait comme " remarquables". Ces progrès, maman les devait à une volonté sans faille. Elle essayait, jour après jour, de faire le maximum. Mais sa dépendance pour tous les actes de la vie courante était une croix lourde à porter. Elle devait également supporter une douleur lancinante - jour et nuit.



Au terme des trois ans prédits, une légère amélioration se fit sentir, mais la mobilité demeurait extrêmement restreinte et la douleur persistait avec la même intensité. Dans la Bible on peut lire ces mots "l'espoir déçu rend le coeur malade".Nous savions désormais à quel point cela est vrai...

Les épreuves

En 1998 les deuils se sont succédés dans notre famille. Papa nous quitta un 6 avril qui se trouvait être cette année-là, le lundi de Pâques. Quelques jours après Noël ma belle-soeur fut emportée par une maladie neurologique dégénérescente à l'âge de 52 ans - après huit longues années de déchéance. Un mois plus tard le frère de maman disparut à son tour.
Quelques semaines après la disparition de mon père, ma mère subit une nouvelle opération à la Clinique des Lilas. Elle souffrait d'une malformation des orteils qui l'empêchait de marcher.Le chirurgien considérait cette intervention comme bénigne par rapport à celle qu'il avait pratiquée cinq ans auparavant. Malheureusement, sur la table d'opération maman eu un premier malaise puis un second dans sa chambre... Le chirurgien nous expliqua que c'était dû à la souffrance et à l'anesthésie péridurale. Il certifia à maman qu'elle marcherait sous peu comme avant. Les mois passèrent mais son état général ne cessait de se dégrader. Elle restait alitée. Elle avait de fréquents malaises. En 1999 le Docteur Luc M. nous donna les coordonnées d'un médecin généraliste avec lequel nous primes rendez-vous. Celui-ci découvrit qu'une malencontreuse interaction médicamenteuse était à l’origine d'un dérèglement circulatoire entraînant divers troubles : acouphènes, syndrome de Raynaud, etc...Elle souffrait, par ailleurs, de problèmes musculaires graves. Grâce à sa qualité d'écoute, le docteur Ph. R-M. est devenu au fil des consultations, plus qu'un médecin généraliste


Retourner au contenu | Retourner au menu